Les pièges cachés des plateformes de force : comment éviter les erreurs de mesure dans l’évaluation de la hauteur de saut

Découvrez les méthodes d'évaluation de la hauteur de saut avec plateformes de force et les paramètres essentiels pour des mesures précises et fiables.
Oct 19 / Arnaud BRUCHARD

L’évaluation de la hauteur de saut vertical est devenue un pilier dans la recherche et la pratique sportive de haut niveau. Cette étude systématique, menée par Eythorsdottir et al. (2024) et publiée dans Sports Medicine, se concentre sur les différentes méthodes de calcul de la hauteur de saut à l’aide de plateformes de force, un outil largement utilisé pour mesurer la performance neuromusculaire des membres inférieurs. Compte tenu de l’importance croissante de ces mesures dans l’optimisation des performances athlétiques, cette revue a pour but de clarifier les avantages, les limites et les implications pratiques de ces méthodes dans divers contextes sportifs.
Cette étude est d’un intérêt particulier pour les experts en biomécanique et les praticiens travaillant avec des athlètes d’élite, car elle met en lumière les variations importantes entre les différentes équations mathématiques utilisées pour estimer la hauteur de saut. Avec un niveau scientifique élevé, basé sur une revue rigoureuse de la littérature et des méthodes validées, ce travail constitue une référence essentielle pour comprendre et interpréter les résultats obtenus via les plateformes de force. L’impact potentiel des variations de mesures sur la performance sportive et la réhabilitation clinique est au cœur de cette analyse, offrant ainsi des perspectives à la fois théoriques et pratiques.

LES 5 POINTS CLÉS

Variabilité des
méthodes de calcul

Les différentes méthodes d'estimation de la hauteur de saut via les plateformes de force peuvent conduire à des écarts de résultats allant jusqu’à 15 cm pour un même saut, selon l'équation utilisée.

 Quatre méthodes
principales

Les méthodes de calcul couramment utilisées sont basées sur la vitesse de décollage (ToV), le temps de vol (FT), la combinaison de la vitesse de décollage et du déplacement (ToV+D), et le déplacement maximal du centre de masse (DIS).

 Importance du choix
de l'équation 

Le choix de l'équation dépend du type de saut (squat jump, countermovement jump, drop jump), de l’objectif du test et de la définition souhaitée de la hauteur de saut.

Impact
des talons

Les méthodes qui incluent le soulèvement des talons (ToV+D et DIS) sont plus adaptées pour des évaluations dans des contextes sportifs réels, mais elles sont aussi plus sensibles aux erreurs d’intégration des données.

Fiabilité
des méthodes

La méthode du temps de vol (FT) présente une fiabilité intra-individuelle élevée, notamment pour les sauts avec charge, mais peut surestimer la hauteur de saut si la technique d'atterrissage n'est pas correctement contrôlée.

Pertinence de la mesure de la hauteur de saut

La mesure de la hauteur de saut vertical est un indicateur fondamental pour évaluer la capacité neuromusculaire des membres inférieurs. Cette mesure est largement utilisée chez les athlètes pour évaluer la performance sportive et dans les populations cliniques pour évaluer la fonction neuromusculaire. En effet, la hauteur de saut reflète la capacité d’un individu à générer de la puissance musculaire pour surmonter la gravité, ce qui en fait un test de référence pour l’évaluation des capacités motrices globales.

Utilisation croissante des plateformes de force

Les plateformes de force, qui permettent une analyse cinétique directe, sont devenues des outils incontournables dans l’évaluation de la hauteur de saut. Grâce à l’évolution technologique, ces plateformes sont désormais disponibles dans des versions portables et accessibles, rendant leur utilisation courante sur le terrain, hors des laboratoires de biomécanique. La force verticale mesurée permet de calculer la hauteur de saut en utilisant plusieurs méthodes mathématiques. Cependant, les différentes méthodes d’analyse des données de force mènent à des estimations de hauteur variées, parfois jusqu’à 15 cm pour un même saut, selon l’équation appliquée. Cela soulève des questions cruciales sur la fiabilité et la validité des différentes approches.

Méthodes courantes d’estimation de la hauteur de saut

Les quatre principales méthodes utilisées pour estimer la hauteur du saut à partir des plateformes de force sont :

Avantages et inconvénients des différentes méthodes

ToV et FT : Ces méthodes sont couramment utilisées pour les comparaisons intra-individuelles, en particulier pour les sauts non chargés. Elles permettent une évaluation simple et rapide, notamment sur le terrain. Cependant, elles ne tiennent pas compte du soulèvement des talons, ce qui peut sous-estimer la hauteur réelle dans certains contextes.
ToV+D et DIS : Ces méthodes intègrent le soulèvement des talons et sont plus représentatives des exigences sportives réelles. Elles sont idéales pour évaluer les performances dans des contextes de haut niveau, mais elles sont plus complexes à appliquer et requièrent une précision accrue dans le traitement des données pour éviter les erreurs d'intégration.

Pertinence du choix de méthode en fonction du contexte

Le choix de la méthode d’estimation dépend de plusieurs facteurs :

Variabilité et implications pour la recherche et la pratique

Les écarts dans les résultats peuvent atteindre 15 cm selon la méthode employée, ce qui rend difficile la comparaison des études entre elles si les mêmes méthodes ne sont pas appliquées de manière uniforme. Cela est particulièrement problématique dans le contexte de la recherche, où des comparaisons entre des populations similaires (par exemple, dans le cadre d’études sur les athlètes de sports collectifs) peuvent aboutir à des résultats contradictoires en raison des différences méthodologiques.

Les écarts dans les estimations de hauteur de saut peuvent atteindre jusqu’à 15 cm selon la méthode d’analyse des données de force, ce qui remet en question la comparabilité des résultats entre les études et les installations.

Les forces de réaction verticales au sol (en Newtons) mesurées par une plateforme de force (non représentée ici) sont tracées sous forme de ligne bleue en fonction du temps (en secondes) lors d'un saut avec contre-mouvement (Countermovement Jump - CMJ). Les figures stylisées représentent le mouvement synchronisé dans le temps d'une personne effectuant le CMJ, et la ligne pointillée grise représente le contact avec le sol.

Explication du graphique :
Ce graphique montre la relation entre le temps (axe des abscisses, en secondes) et la force de réaction au sol (axe des ordonnées, en Newtons) mesurée lors d'un saut avec contre-mouvement (CMJ).

Avant le saut (entre 0 et 1,5 seconde) : La personne est en position debout, générant une force de réaction stable (autour de 2500 N), qui correspond à son poids.
Phase de descente (entre 1,5 et 2 secondes) : Le sujet fléchit les genoux pour descendre et se préparer au saut, ce qui réduit la force exercée sur le sol (la courbe descend).
Phase de poussée (vers 2 secondes) : La personne effectue une extension rapide des jambes pour décoller, générant une très grande force de réaction (pic de force à environ 3500 N).
Décollage (après 2 secondes) : La force chute brusquement à zéro lorsque le sujet quitte le sol.
Phase aérienne (jusqu'à environ 3 secondes) : Il n’y a pas de contact avec le sol, donc la force de réaction reste à zéro.
Atterrissage (vers 3 secondes) : La force augmente rapidement lorsque la personne touche à nouveau le sol, atteignant un pic (un peu moins élevé que celui du décollage), puis revient à la valeur initiale après stabilisation.

Commentaire :
Ce graphique illustre bien les différentes phases d’un saut avec contre-mouvement (CMJ) et la manière dont la force de réaction au sol varie au cours du mouvement. La phase d'extension des jambes est celle qui génère le pic de force maximal, suivie de la phase de vol où la force est nulle, et enfin l’atterrissage, qui produit un second pic. Ce type d’analyse est essentiel pour comprendre la capacité d’un athlète à générer de la puissance pendant un saut, en mesurant précisément la force et la dynamique du mouvement à chaque phase.

Interprétation dans le cadre de l'évaluation des performances :

Le pic de force lors de la poussée : Plus ce pic est élevé, plus l’athlète est capable de produire de la force, ce qui peut correspondre à une meilleure performance en saut.
La phase de descente : Si l’athlète contrôle bien cette phase, cela reflète une bonne coordination neuromusculaire.
Atterrissage : Un atterrissage bien contrôlé est crucial pour éviter les blessures et permet d’évaluer la capacité de l’athlète à absorber les chocs.

Ce type de graphique est utilisé pour analyser la performance neuromusculaire lors des sauts et peut aider les entraîneurs à ajuster les programmes d’entraînement en fonction des forces et des faiblesses détectées dans chaque phase du saut.

Les forces de réaction au sol (GRF, ligne noire continue) et la trajectoire du centre de masse vertical (CoM, zone grise ombrée, déplacement par rapport à la position debout) sont tracées en fonction du temps pendant un saut avec chute (Drop Jump). La plateforme de force 1 mesure les GRF à travers la boîte, tandis que la plateforme de force 2 mesure les GRF pendant le saut et l'atterrissage. La ligne noire pointillée indique le poids corporel. La ligne bleue pointillée illustre la hauteur de la boîte d’où la personne saute (c’est-à-dire, la "hauteur de la boîte"). La distance entre les lignes pointillées bleue et jaune indique la différence de hauteur du CoM avant de toucher la plateforme de force 2 (c’est-à-dire, la "hauteur de chute").

Le segment de ligne jaune sous l'axe représente les GRF depuis la position debout jusqu’au décollage, utilisé pour la méthode ToV : "hauteur de chute".

Le segment de ligne bleue représente les GRF entre le moment où la personne atterrit sur la plateforme (après la chute) et le décollage, utilisé avec la méthode ToV : "hauteur de la boîte".

Le segment de ligne violette représente les GRF entre le décollage et le moment où la personne reste immobile après l'atterrissage, utilisé pour la méthode "intégration arrière".

Le segment de ligne verte représente le temps passé en l'air, lorsqu'aucune force n'est mesurée par la plateforme de force, utilisé pour la méthode "temps de vol".

Explication du graphique :

Ce graphique montre les forces de réaction au sol (GRF) et la trajectoire verticale du centre de masse (CoM) lors d'un Drop Jump. Il met en évidence les différentes phases du saut, en illustrant comment plusieurs méthodes de calcul peuvent être appliquées pour estimer la hauteur de saut. Voici les éléments clés :

1. Hauteur de la box (Box Height - ligne bleue) : Représente la hauteur initiale de la boîte d'où le sujet saute. Cette hauteur est utilisée dans certaines méthodes pour estimer la hauteur de saut (ToV - "hauteur de la boîte").

2. Hauteur de chute (Drop Height - ligne jaune) : Représente la différence de hauteur du CoM avant et après le saut, entre la position initiale et le moment où la personne touche la plateforme de force. Cette mesure est utilisée dans la méthode ToV - "hauteur de chute".

3. Intégration arrière (Backward integration - ligne violette) : Représente la phase allant du décollage à l'atterrissage, où la méthode de l'intégration arrière peut être utilisée pour estimer le déplacement du CoM pendant le saut.

4. Temps de vol (Flight time - ligne verte) : Représente le temps passé en l’air, sans contact avec le sol, mesuré par l’absence de forces enregistrées sur la plateforme de force. C’est l’une des méthodes les plus courantes pour estimer la hauteur de saut, basée sur la durée du vol.

5. Forces de réaction au sol (GRF - ligne noire continue) : Représente la force exercée sur le sol par le sujet pendant les phases de décollage, de vol et d'atterrissage. Les pics de force indiquent les moments de décollage et d'atterrissage.


Commentaire :

Ce graphique illustre les différentes manières d'estimer la hauteur de saut en fonction des phases de mouvement d'un Drop Jump. Les méthodes comme le temps de vol, l'intégration arrière et les estimations basées sur la hauteur de la boîte ou la hauteur de chute sont toutes valides, mais elles reposent sur des calculs et des hypothèses différentes.

Interprétation dans le cadre de l'évaluation des performances :

Méthode "temps de vol" : Simple et populaire, elle est adaptée pour des contextes où seule la durée du saut est importante, mais elle peut ne pas être suffisamment précise dans des cas complexes.

Méthode "intégration arrière" : Plus complexe, elle offre une meilleure précision pour des analyses biomécaniques, mais nécessite une expertise technique pour éviter des erreurs de mesure.

Méthode ToV (hauteur de chute/hauteur de la boîte) : Ces méthodes se concentrent sur la hauteur de départ et la distance parcourue par le centre de masse, offrant une estimation différente de la hauteur du saut.


Conclusion :

Ce graphique montre clairement que le choix de la méthode dépend du type de saut et de l’objectif de la mesure. Pour les entraîneurs et les praticiens, il est essentiel de sélectionner la méthode la plus appropriée en fonction des données que l'on souhaite obtenir, tout en veillant à minimiser les erreurs de calcul en suivant les recommandations pour chaque méthode.

Explication des colonnes :

Type de saut : Différents types de sauts évalués, comme le Countermovement Jump, le Squat Jump, le Drop Jump, et les sauts avec charge.

Définition : Cela indique si le saut est mesuré à partir de l'extension des talons ou d'une position debout.

Équation : Les méthodes mathématiques utilisées pour estimer la hauteur de saut (ToV = vitesse de décollage, FT = temps de vol, ToV+D = combinaison de la vitesse et du déplacement du CoM, DIS = déplacement du CoM).

Notes : Consignes spécifiques sur la manière dont le test doit être effectué pour garantir la validité des résultats, comme l’importance de rester immobile après l’atterrissage ou la nécessité d'atterrir avec les jambes tendues.

Commentaires sur le tableau :

Ce tableau est un guide très utile pour choisir l’équation appropriée en fonction du type de saut et de l’objectif d’analyse (comparaison intra-individuelle ou entre participants). Il distingue les méthodes qui conviennent aux différents types de sauts, en fournissant des instructions spécifiques pour minimiser les erreurs de mesure.

Points clés à retenir :

1. Type de saut et méthode : La méthode de calcul varie selon le type de saut, ce qui montre l'importance de bien choisir la formule en fonction du contexte d'évaluation.

2. Méthode "From Toe-Off" : Pour les sauts initiés avec les talons levés, des méthodes comme ToV+D et DIS sont plus adaptées mais nécessitent une précision dans l’intégration des données.

3. Prévention des erreurs : Chaque méthode a ses précautions spécifiques, notamment concernant l’atterrissage, pour éviter des biais dans les résultats.

Il est essentiel de suivre strictement les recommandations sur le positionnement des jambes et la posture lors de l’atterrissage.

Ce tableau met en garde contre les erreurs courantes dans la sélection de l’équation et fournit des directives claires pour les éviter. Les professionnels doivent prêter attention aux remarques pour assurer une utilisation correcte des méthodes dans le cadre de tests neuromusculaires.

Considérations pour les applications pratiques

Pour les entraîneurs et les praticiens travaillant avec des athlètes de haut niveau, il est crucial de sélectionner la méthode adaptée en fonction du type de saut et des objectifs de l’évaluation. Si les plateformes de force sont disponibles, les méthodes ToV+D et DIS offrent une image plus complète des capacités de saut, mais demandent une maîtrise des outils et une gestion des dérives potentielles lors de l'intégration des données. Pour une application sur le terrain, la méthode FT reste populaire en raison de sa simplicité, mais nécessite des consignes spécifiques sur la technique d’atterrissage pour minimiser les biais.


Le choix de la méthode de calcul doit être basé sur le type de saut, l'objectif du test, et la définition souhaitée de la hauteur de saut, afin de garantir des résultats pertinents et fiables.

Paramètres supplémentaires à prendre en compte

Lors de l'évaluation de la hauteur de saut à l'aide de plateformes de force, il est essentiel de tenir compte de certains paramètres supplémentaires pour garantir des mesures fiables et précises. Ces éléments, souvent sous-estimés ou omis, peuvent avoir un impact significatif sur l'interprétation des résultats, notamment dans des contextes cliniques ou sportifs de haut niveau. Voici les principaux points à considérer :
Ces paramètres supplémentaires doivent être considérés avec soin lors de la planification des tests et de l’interprétation des résultats. Ils apportent une meilleure précision dans l’évaluation des capacités neuromusculaires et permettent de minimiser les erreurs liées aux spécificités techniques ou individuelles des athlètes.


Les méthodes qui intègrent le soulèvement des talons, comme ToV+D et DIS, fournissent une évaluation plus complète des performances sportives, mais elles sont plus sujettes aux erreurs d’intégration lors de l’analyse des données

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

L’évaluation de la hauteur de saut via les plateformes de force reste une méthode incontournable dans l’évaluation des performances neuromusculaires des athlètes. Cependant, il est essentiel de choisir la méthode appropriée en fonction du contexte spécifique pour garantir des résultats fiables et comparables. L’utilisation de méthodes plus sophistiquées comme ToV+D et DIS permet d’obtenir des estimations plus précises, notamment dans les contextes sportifs de haut niveau, mais ces méthodes nécessitent un traitement plus rigoureux des données.
En somme, il est important de ne pas comparer les résultats obtenus avec des méthodes différentes sans tenir compte du cadre méthodologique appliqué. Cela est essentiel pour assurer la validité des conclusions tirées de l’évaluation des performances athlétiques ou cliniques.

L'étude

Eythorsdottir I, Gløersen Ø, Rice H, Werkhausen A, Ettema G, Mentzoni F, Solberg P, Lindberg K, Paulsen G. The Battle of the Equations: A Systematic Review of Jump Height Calculations Using Force Platforms. Sports Medicine. 2024.
 

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