Neurocognition et LCA : Un maillon oublié dans la réathlétisation et la prévention des blessures ?

Le rôle de la neurocognition dans la rééducation du LCA est encore sous-estimé. Découvrez comment l'intégrer pour optimiser le retour au sport et prévenir les récidives
Mar 8 / Arnaud BRUCHARD

Introduction : Le LCA, plus qu’une simple lésion biomécanique

La rupture du ligament croisé antérieur (LCA) est une blessure redoutée dans de nombreux sports nécessitant des changements de direction rapides, des arrêts brusques et des sauts répétés. Traditionnellement, la rééducation et la réathlétisation du LCA ont été abordées sous un prisme purement biomécanique, mettant l’accent sur le renforcement musculaire, le contrôle neuromusculaire et la restauration de la proprioception. Pourtant, un élément fondamental est resté largement sous-estimé : l’impact des fonctions neurocognitives dans la survenue et la récupération de cette blessure.

Des études récentes suggèrent que la prise de décision rapide, l’attention et l’adaptabilité motrice sont des facteurs déterminants dans la gestion du risque de blessure et le succès du retour au sport. Ainsi, au-delà du renforcement classique, il est essentiel d'intégrer la dimension neurophysiologique et cognitive dans la prévention et la réathlétisation du LCA.
Figures  de Grooms et al., 2023, illustrant les altérations neurophysiologiques et les mécanismes de contrôle moteur après une rupture et une reconstruction du LCA

 La boucle réflexe du LCA : un mécanisme clé pour la stabilité du genou
Cette image illustre la réponse neurophysiologique déclenchée lors d’une translation antérieure du tibia, un mouvement à risque pour le LCA.

 Détection du mouvement
Les mécanorécepteurs du LCA perçoivent la translation du tibia et envoient un signal au système nerveux central via la moelle épinière (L2-L4).
 Réponse réflexe du système nerveux
En réaction, des commandes nerveuses activent les ischio-jambiers, qui freinent le mouvement du tibia, tandis que les quadriceps sont inhibés pour éviter d'aggraver la translation.

 Un rôle clé dans la prévention des blessures
  • Stabilisation automatique du genou
  • Réduction des contraintes sur le LCA
  • Prévention des ruptures ligamentaires

📌 Pourquoi c’est important ?
Après une rupture du LCA, cette boucle est perturbée, augmentant le risque de récidive. La rééducation doit intégrer des exercices de proprioception et de réactivité neurocognitive pour restaurer ce réflexe protecteur.

Les conséquences neurocognitives d’une rupture du LCA

“Les patients ayant subi une reconstruction du LCA montrent une altération du contrôle moteur, avec une surcharge cognitive accrue lors des prises de décision rapides en mouvement.”
 


Altération du traitement des informations sensori-motrices

L’étude de Strong et al. (2025) met en évidence une perturbation des capacités neurocognitives après une reconstruction du LCA. Les patients montrent une interférence accrue entre les tâches motrices et cognitives, ce qui signifie que leur capacité à gérer simultanément un mouvement complexe et une prise de décision rapide est altérée.

Lorsqu’un sportif évolue dans un environnement dynamique (match, opposition, duel), son cerveau doit intégrer en temps réel une multitude de signaux

  • Position et vitesse des adversaires et coéquipiers
  • Changement d’orientation
  • Adaptation aux imprévus
  • Maintien du contrôle moteur sous stress

    Après une lésion du LCA, les connexions entre le cerveau et le genou sont modifiées, notamment au niveau des aires corticales impliquées dans la planification et l’exécution des mouvements.
    Cela se traduit par une altération de la mémoire motrice, un ralentissement de la prise de décision et une diminution de l’efficacité du contrôle neuromusculaire.


Perturbation des circuits neurophysiologiques du genou

L’article sur la neurophysiologie du LCA (2025) montre que la rupture du ligament ne se limite pas à une simple perte biomécanique, mais entraîne des modifications profondes des connexions cérébrales associées à la gestion du mouvement.

On observe notamment :
  • Une diminution du feedback proprioceptif : les récepteurs sensoriels du LCA envoient des informations au cerveau sur la position et la tension du genou. Leur destruction altère cette boucle de rétrocontrôle.
  • Un remodelage cortical : le cerveau compense en recrutant d’autres zones corticales pour assurer la stabilisation du genou, mais cette compensation n’est pas toujours optimale.
  • Un déficit de coordination motrice : la transmission des signaux entre le cerveau et les muscles du membre inférieur devient moins efficace, ce qui peut favoriser des erreurs motrices et augmenter le risque de récidive.
Cela signifie qu’un athlète, même après une rééducation complète en force et stabilité, peut toujours présenter un déficit cognitivo-moteur qui le rend plus vulnérable aux mouvements à risque.
“L'intégration des mécanismes de feedforward et feedback est essentielle pour ajuster la réponse neuromusculaire et limiter le risque de récidive après une blessure du LCA.”
 


Le rôle de l’évaluation neurocognitive dans la gestion du retour au sport

L’étude de Glassbrook et al. (2025) met en avant l’utilisation d’outils de tests neurocognitifs, comme l’Integrated Cognitive Assessment (ICA), pour évaluer la performance neurocognitive des athlètes. Ce type de test mesure :

  • La vitesse de réaction
  • La précision de la prise de décision
  • L’adaptabilité motrice

Les résultats montrent que les athlètes avec un traitement cognitif plus lent sont plus exposés aux blessures, en particulier dans des sports où la prise de décision rapide est essentielle. Ce constat suggère que les tests cognitifs devraient être intégrés dans l’évaluation du retour au sport après une chirurgie du LCA, au même titre que les tests de force ou de contrôle neuromusculaire.


Optimiser la rééducation post-LCA et la réathlétisation avec des exercices neurocognitifs

“Une mauvaise recalibration du système neuro-moteur après une reconstruction du LCA peut compromettre la stabilité articulaire et ralentir le retour au sport.”
 

L’étude de Konishi et al. (2025) s’intéresse à l’impact d’un entraînement basé sur des mouvements anticipés (planifiés) et non anticipés (réactifs). Les résultats montrent que les athlètes soumis à un entraînement impliquant des réactions imprévues améliorent non seulement leurs fonctions exécutives, mais aussi leur contrôle moteur et leur gestion des contraintes biomécaniques.

 Comment intégrer ces principes en pratique ?
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Figures  de Grooms et al., 2023, illustrant les altérations neurophysiologiques et les mécanismes de contrôle moteur après une rupture et une reconstruction du LCA

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L’impact cérébral après une rupture du LCA

Une rupture du LCA ne se limite pas à une atteinte du genou. Elle perturbe le contrôle moteur au niveau cérébral, obligeant le cerveau à compenser la perte de proprioception.

  • Suractivation corticale : Les tâches motrices autrefois automatiques deviennent plus exigeantes cognitivement, ralentissant la réactivité et la fluidité des mouvements.
  • Dépendance accrue à la vision : Pour stabiliser le genou, le patient se fie davantage aux repères visuels, ce qui peut ralentir les ajustements en situation imprévue.
  • Altération de la coordination motrice : Le contrôle musculaire devient moins précis, entraînant une rigidité accrue et des compensations inefficaces.

Ces éléments soulignent l'importance d’intégrer des exercices neurocognitifs et proprioceptifs dans la rééducation pour optimiser le retour au sport et réduire le risque de récidive.
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Figures  de Grooms et al., 2023, illustrant les altérations neurophysiologiques et les mécanismes de contrôle moteur après une rupture et une reconstruction du LCA

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Les mécanismes physiopathologiques après une rupture du LCA

Une rupture du LCA déclenche une cascade de réactions physiologiques et neurologiques qui peuvent compromettre la récupération musculaire et prolonger la douleur.

  • Inflammation et recrutement immunitaire : Activation des cellules immunitaires et libération de cytokines qui amplifient la réponse inflammatoire.
  • Dégradation du tissu conjonctif : Surexpression des métalloprotéases (MMPs), entraînant une altération de la matrice extracellulaire et une perte de stabilité articulaire.
  • Sensibilisation nerveuse et inhibition musculaire : L’activation des nocicepteurs et les changements neurochimiques au niveau de la moelle épinière perturbent la commande motrice et favorisent l’atrophie musculaire.
  • Altération du contrôle moteur cérébral : Des modifications corticales et la neuroinflammation altèrent la plasticité cérébrale, impactant la coordination et l'efficacité du mouvement.

Ces interactions expliquent pourquoi une rééducation efficace doit intégrer des approches anti-inflammatoires, des stratégies neuromusculaires et un travail précoce de stimulation proprioceptive pour minimiser la persistance de l’inhibition musculaire.
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Figures  de Grooms et al., 2023, illustrant les altérations neurophysiologiques et les mécanismes de contrôle moteur après une rupture et une reconstruction du LCA

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Contrôle du mouvement lors des décélérations : interaction entre feedforward et feedback

La décélération est un moment clé dans les sports à haute intensité, où le contrôle moteur repose sur une interaction complexe entre anticipation (feedforward) et ajustement en temps réel (feedback).

  • Commande motrice initiale (feedforward) : Le cerveau prédit le contact avec le sol et ajuste les muscles en fonction du contexte (surface, objectif du mouvement). Un mauvais calibrage peut augmenter le stress sur le LCA.
  • Feedback sensoriel au contact du sol : Une fois le pied au sol, les récepteurs musculaires et tendineux envoient des signaux correctifs pour ajuster la réponse motrice. Un déficit de ce feedback peut compromettre le contrôle postural et augmenter le risque de blessure.
  • Comparaison entre prédiction et réalité : Le cerveau met à jour son modèle interne en fonction des écarts entre ce qui était prévu et la réalité du mouvement. Une mauvaise recalibration peut conduire à des déficits moteurs et une plus grande vulnérabilité aux blessures.

En rééducation et en réathlétisation, il est essentiel d’entraîner ces deux systèmes via des exercices de décélération progressifs et des tâches impliquant des réactions imprévues pour optimiser la robustesse neuromotrice et réduire le risque de récidive du LCA.

CONCLUSION

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Vers une approche plus complète de la rééducation du LCA

La prise en compte des aspects neurocognitifs dans la rééducation et la prévention des blessures du LCA ouvre des perspectives nouvelles et prometteuses. La vulnérabilité à la blessure ne dépend pas uniquement de la force musculaire ou du contrôle biomécanique, mais aussi de la capacité du cerveau à traiter efficacement les informations et à ajuster les réponses motrices en temps réel.

Pour optimiser la rééducation et le retour au sport, il est donc essentiel d’intégrer des évaluations neurocognitives, de favoriser des entraînements en environnement ouvert et de développer des protocoles qui stimulent à la fois les capacités motrices et la prise de décision.

Les articles

  1. Strong, A., et al. (2025). Greater cognitive-motor interference among patients after anterior cruciate ligament reconstruction. Journal of Sport Rehabilitation.
  2. Neurophysiology of ACL Injury (2025). Understanding central and peripheral mechanisms of altered neuromuscular control post-ACL injury. Sports Medicine & Science Review.
  3. Glassbrook, D., et al. (2025). Precision of the Integrated Cognitive Assessment for the evaluation of neurocognitive performance in athletes. Journal of Cognitive Sports Science.
  4. Konishi, M., et al. (2025). Acute effects of unplanned and planned hop landing training on neurocognitive function and knee control. International Journal of Sports Physiology & Performance.