Pourquoi tant de patients ne reprennent-ils pas le sport après une reconstruction du ligament croisé antérieur ? Une analyse approfondie des freins physiologiques et psychologiques

Pourquoi tant de patients ne retrouvent-ils pas leur niveau sportif après une reconstruction du LCA ? Peur de la récidive, douleurs persistantes, rééducation incomplète : cette étude met en lumière les freins physiologiques et psychologiques qui empêchent le retour au sport, et propose des solutions concrètes pour optimiser la récupération et maximiser les chances de reprise d’activité
Feb 5 / Arnaud BRUCHARD

La reconstruction du ligament croisé antérieur (LCA) est l’un des gestes chirurgicaux les plus pratiqués chez les sportifs, visant à restaurer la stabilité du genou et permettre un retour au sport dans des conditions optimales. Pourtant, malgré des avancées techniques et des protocoles de rééducation bien établis, un grand nombre de patients ne retrouvent jamais leur niveau d’activité pré-lésionnel.

Cette étude transversale menée sur 138 patients apporte un éclairage essentiel sur les obstacles au retour au sport après une reconstruction du LCA. Les résultats mettent en évidence des facteurs déterminants, à la fois physiologiques et psychologiques, qui influencent la capacité et la volonté des patients à reprendre une activité sportive.

Un taux de retour au sport plus faible qu’attendu

Parmi les participants, seuls 28,3 % ont retrouvé leur niveau sportif pré-blessure. Ce chiffre est nettement inférieur aux taux de retour annoncés dans certaines méta-analyses, où les estimations varient entre 33 % et 92,5 % selon les cohortes étudiées. La diversité des résultats dans la littérature souligne à quel point la reprise du sport après reconstruction du LCA est un phénomène multifactoriel, influencé par des paramètres aussi bien médicaux que psychosociaux.

L’analyse des raisons expliquant l’absence de retour au sport met en évidence trois grandes catégories d’obstacles :

  • La peur de la récidive (kinesiophobie) – 79,8 %
  • Les symptômes persistants du genou – 78,8 %
  • Les facteurs de choix et contraintes de vie – 23,2 % et 18,2 %

Ces données confirment l’importance du facteur psychologique, souvent sous-estimé dans les protocoles de rééducation classiques.

La peur de la récidive : le frein psychologique majeur

Parmi les patients ne reprenant pas leur activité sportive, près de 80 % citent la peur d’une nouvelle blessure comme raison principale. Ce phénomène, connu sous le nom de kinesiophobie, est particulièrement marqué chez les hommes de cette cohorte (83,1 % contre 50 % chez les femmes).

Des études antérieures ont montré que cette peur est associée à des altérations du contrôle moteur, une diminution de l’engagement musculaire protecteur et un risque accru de re-blessure dans les deux ans suivant la reprise sportive. Les patients souffrant de kinesiophobie montrent également des scores fonctionnels plus faibles aux évaluations post-opératoires, indépendamment de leur récupération physique objective.

La mise en place d’interventions psychologiques ciblées (thérapies cognitivo-comportementales, techniques de désensibilisation progressive, éducation du patient) pourrait constituer une piste efficace pour améliorer les taux de retour au sport en diminuant cette crainte paralysante.
La peur de la récidive était la raison la plus fréquente (79,8 %) expliquant l'absence de retour au sport après une reconstruction du LCA.
 

Les symptômes persistants du genou : une barrière physique sous-estimée

Outre la peur de la récidive, les douleurs, la faiblesse musculaire et la raideur articulaire représentent un frein significatif au retour au sport.

  • 58,6 % des patients signalent des douleurs résiduelles, limitant leur confiance et leurs performances.
  • 56,6 % rapportent une faiblesse musculaire persistante, compromettant la stabilité du genou.
  • 20,2 % se plaignent de raideur articulaire, entraînant une diminution de l’amplitude de mouvement.
  • 17,2 % souffrent encore de gonflement régulier, signe de surcharge ou d’irritation articulaire chronique.

Ces symptômes sont en accord avec plusieurs études montrant que la récupération post-ACLR est plus longue et plus complexe qu’initialement estimé. L’adoption de programmes de réathlétisation spécifiques, intégrant des exercices fonctionnels avancés et un renforcement neuromusculaire progressif, est essentielle pour optimiser les résultats.

Impact des choix personnels et contraintes de vie sur le retour au sport

Enfin, des raisons non médicales sont également évoquées par un nombre non négligeable de patients :

  • 23,2 % des non-retourneurs ont simplement perdu l’envie ou le temps de pratiquer leur sport à un niveau compétitif.
  • 18,2 % évoquent des contraintes professionnelles, familiales ou éducatives comme principal frein.

Les femmes de cette cohorte sont 30 fois plus susceptibles que les hommes d’invoquer l’éducation comme un facteur limitant, ce qui reflète des différences structurelles dans l’engagement sportif post-opératoire.

L’intégration de ces facteurs dans l’accompagnement post-opératoire pourrait permettre un suivi plus personnalisé, en prenant en compte les motivations et les priorités individuelles des patients.
Les sportifs ayant complété leur rééducation étaient 6,277 fois plus susceptibles de retrouver leur niveau d’activité pré-blessure
 

La rééducation complète : un facteur clé du retour au sport

Un élément particulièrement marquant de l’étude est l’impact déterminant de la complétion du programme de rééducation.

 Les patients ayant suivi une rééducation complète sont 6,3 fois plus susceptibles de reprendre leur sport (p = 0,001).

Ce chiffre confirme ce que de nombreuses études avaient déjà suggéré : la qualité et la durée de la rééducation/réathlétisation sont les déterminants principaux d’un retour au sport réussi. Pourtant, malgré ces données, certains patients arrêtent prématurément leur rééducation, soit par manque de motivation, soit par contraintes logistiques ou financières.

Les kinésithérapeutes, médecins du sport et entraineurs /préparateurs physiques ont donc un rôle clé à jouer dans le suivi des sportifs au-delà de la simple récupération articulaire, en s’assurant que le protocole soit mené jusqu’à son terme.

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

Cette étude met en lumière la complexité des déterminants du retour au sport après une reconstruction du LCA. Si les critères biomécaniques restent primordiaux, les aspects psychologiques et sociaux jouent un rôle tout aussi crucial dans la décision des patients.

Recommandations pour améliorer le taux de retour au sport :
✔ Accompagner le patient sur le plan psychologique, notamment en ciblant la peur de la récidive avec des outils adaptés.
✔ Prolonger et structurer les protocoles de rééducation, en intégrant des tests fonctionnels avancés pour s’assurer de la préparation du genou.
✔ Mieux anticiper les freins liés au mode de vie, en adaptant les objectifs sportifs à la réalité quotidienne des patients.

Alors que la recherche sur la réhabilitation post-ACLR progresse, ces résultats soulignent la nécessité d’une approche multidimensionnelle, alliant expertise médicale, rééducation personnalisée et soutien psychologique.

L'article

Hamdan, M., Haddad, B. I., Amireh, S., Abdel Rahman, A. M. A., Almajali, H., Mesmar, H., Naum, C., Alqawasmi, M. S., Albandi, A. M., & Alshrouf, M. A. (2025). Reasons why patients do not return to sport post ACL reconstruction: A cross-sectional study. Journal of Multidisciplinary Healthcare, 18, 329–338. https://doi.org/10.2147/JMDH.S493838